Jessica
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Leur relation paraissait solide.
Ils s’étaient rencontrés au début de l’été, cela fait maintenant deux mois. Elle l’avait aperçu pour la première fois lors de la soirée d’anniversaire d’une collègue de bureau employée comme elle, dans le cabinet d’avocat, où elle travaillait maintenant depuis quatre ans.
Ce soir-là, Jessica était euphorique, cela pour deux raisons. La première concernait les vacances qui étaient toute proches. Cette année, au vu de son ancienneté, elle avait réussi à obtenir quatre semaines consécutives et comptait bien en profiter pour se changer les idées. D’autant que la deuxième raison qui la remplissait de joie provenait, elle, du solde de son compte bancaire, sur lequel venait d’être virée, par les soins du notaire chargé de la succession de son père, la coquète somme de 72.000 euros.
Bien que Jessica n’ait pas vraiment connu son géniteur, ce dernier les ayant abandonnées, elle et sa mère, alors qu’elle n’avait que trois ans, elle n’avait aucune raison de refuser et n’éprouvait aucun scrupule à profiter de cette manne tombée du ciel.
Le jeune homme se tenait un peu à l’écart comme s’il ne connaissait personne. Quand Jessica avait questionné son amie à son sujet, celle-ci lui avait avoué qu’elle ignorait de qui il s’agissait. Il avait sans doute accompagné un ou une des invités présents.
Dès le premier regard Jessica s’était sentie attirée vers lui. Au sourire qu’il lui adressa en retour, elle comprit que lui aussi n’était pas indifférent à son charme. Il faut préciser que la jeune femme aimait se faire remarquer. Dotée d’un physique aux formes avantageuses, elle n’hésitait pas, dès qu’elle avait quitté le cadre austère de son bureau, à se revêtir de tenues aguichantes qui mettaient en valeur ses courbes généreuses. Nombre étaient les membres de la gent masculine qui tournaient les yeux vers en la croisant. Jessica aimait sentir tous ces regards posés sur son corps et prenait un malin plaisir à imaginer les sensations qu’elle pouvait ainsi provoquer chez les hommes.
C’est pourquoi elle n’avait pas été surprise ce soir-là, lorsqu’il s’était avancé d’un pas décidé et, qu’avant même de s’être présenté, il l’avait complimenté sur son physique et sa tenue. Bien qu’étant coutumière de ce genre de situation, pour une fois, elle s’était sentie troublée par la présence de ce beau brun ténébreux en face d’elle. Elle avait même bafouillé à plusieurs reprises en répondant à ses questions, tant l’émotion qu’elle ressentait était intense.
C’est donc sans surprise qu’ils n’avaient pas attendu la fin de la fête pour échanger un premier baiser.
Les tourtereaux s’étaient ensuite très rapidement éclipsés en douce pour aller se réfugier dans la voiture de Lucas qui était garée, un peu à l’écart des autres, à l’abri d’une haie de troènes, comme s’il avait prémédité le déroulement de sa soirée.
Le plaisir qu’avait ressenti Jessica en se donnant à ce bel inconnu avait été d’une intensité qu’elle n’avait peu connue jusqu’alors.
Depuis ce jour ils s’étaient revus régulièrement et la fréquence des messages qu’ils partageaient durant les heures où ils étaient éloignés l’un de l’autre, traduisaient la fougue de leur relation. Quant au contenu, il ne laissait aucun doute sur leur appétence réciproque pour les plaisirs sexuels.
Chacune de leur rencontre était pour la jeune femme, la découverte de sensations toujours plus fortes, tant leur symbiose physique était parfaite.
C’était la première fois que Jessica, plutôt adepte aux relations d’un soir, s’était autant sentie attirée par un garçon, au point d’attendre chaque rendez-vous, avec une impatience démesurée.
Après quelques jours elle avait bien dû finir par admettre, qu’elle, la fille superficielle et frivole qu’elle pensait être, libre et sans attaches, était bel et bien tombée amoureuse pour la première fois de sa vie.
Aujourd’hui, elle n’avait plus aucun doute sur le fait qu’un sentiment aussi fort soit aussi ressenti par le beau Lucas. Surtout après les quatre semaines de vacances paradisiaques qu’il venait de lui offrir au cours d’un long périple dans les stations balnéaire les plus réputées de la Côte d’Azur.
Lucas qui avait et des origines italiennes, ce qui n’était pas sans déplaire à sa partenaire qui appréciait le côté torride de leur relation charnelle, s’était montré d’une bienveillance et d’une générosité hors norme à l’égard de celle qu’il avait baptisée du doux surnom de «Gattina mia».
Rien n’avait été trop beau pour plaire aux yeux de la belle Jessica. Hôtels de luxe, repas dans des restaurants étoilés, promenades en bateau, soirées en discothèques, shopping dans des boutiques renommées, l’argent ne semblait pas être un problème pour Lucas. Chaque fois qu’elle le questionnait devant les dépenses qu’elle trouvait un peu exagérées, elle obtenait toujours la même réponse : « ne t’inquiète pas Gattina mia, profite ! ».
Elle avait fini par se faire une raison et elle s’était laissé porter par ses sentiments et tous ces plaisirs nouveaux pour elle. Il lui avait fait découvrir un monde dans lequel l’argent n’est pas un problème. La jeune femme avait l’impression de vivre un rêve éveillé. Elle qui avait prévu d’utiliser une partie de ses nouvelles économies pour les vacances se trouvait comblé sans y avoir même touché.
Elle avait vécu des vacances de princesse.
Pourtant quelques jours avant la fin de ce séjour idyllique, quelque chose avait changé dans leur relation. Si leurs étreintes physiques restaient aussi intenses, la jeune femme se rendait bien compte qu’en dehors de ces moments-là, Lucas semblait distant.
Lorsqu’elle lui en faisait la remarque, il s’empressait de demander pardon et s’efforçait de devenir plus attentif. Il avait beau essayer de s’en défendre, Jessica était persuadée que ce n’était plus le même homme qu’elle avait découvert le jour de leur rencontre. Il avait perdu son entrain, son assurance et restait souvent pensif durant de longues minutes. Elle s’était même inquiétée de savoir s’il n’avait pas de problèmes financiers après les jours précédents passés à dépenser à tout va, mais il avait réussi à la convaincre que tout allait bien.
De retour de leur périple estival, ils s’étaient quittés le matin, se promettant de se retrouver bien vite. Lucas lui avait expliqué qu’il devait s’absenter plusieurs jours pour régler des affaires personnelles mais avait promis de lui envoyer des messages.
Jessica retrouve alors avec plaisir son petit appartement douillet.
Après avoir vidé sa valise et son sac de voyage, s’extasiant encore devant les tenues, toutes plus sexy les unes que les autres que lui a offertes son prince charmant, elle pense qu’il lui faudrait tout de même compléter sa garde-robe de vêtements plus sages pour se rendre à son travail.
Cela ne sera pas un problème vu l’argent dont elle dispose maintenant, elle qui avait toujours l’habitude de terminer chaque mois en utilisant le découvert maximum que lui autorisait sa banque. De plus elle pourra profiter des soldes qui vont bientôt commencer.
Fatiguée sans doute, par le voyage du retour et les journées trépidantes qu’elle vient de vivre, allongée sur le canapé de son salon, elle finit par s’endormir.
À son réveil le jour commence à baisser et une petite faim lui rappelle qu’elle n’a pas mangé depuis le dernier petit-déjeuner pris à l’hôtel. Elle est alors obligée de se rendre à l’évidence : le désert le plus aride règne à l’intérieur de son réfrigérateur et de ses placards.
Elle pense alors à la petite supérette qui fait angle dans la rue et qui reste ouverte sept jours sur sept ainsi que le soir jusqu’à 21 h.
Au moment de régler ses achats à la caisse du magasin, elle est étonnée de ne pas trouver sa carte bancaire, rangée à la place habituelle dans son portefeuille. Comme il lui reste un peu d’argent liquide elle règle en espèces et s’empresse de revenir chez elle, soucieuse de cette disparition. À peine ses achats déposés sur la table du salon, elle vérifie encore une fois, en vain, le contenu de son portefeuille. Sentant alors le stress la gagner, affolée, elle retourne son sac et en vide le contenu sur le canapé.
Au milieu du bric-à-brac hétéroclite qui en sort – un être de sexe masculin ne peut imaginer tout ce que contient un sac à main féminin – apparait l’objet de son inquiétude. La carte bancaire avait dû glisser du portefeuille sans qu’elle s’en aperçoive, ne l’ayant pas utilisée une seule fois depuis le début des vacances, se laissant combler par son chevalier servant. Elle récupère aussi la carte de visite du cabinet d’avocat, au dos de laquelle elle a noté son code secret, ayant toujours peur de ne pas s’en souvenir le moment venu.
Rassurée, après avoir pu satisfaire les appels de son estomac, elle allume la télévision de la chambre et après avoir zappé quelques minutes entre toutes les chaines, déçue par la nullité des programmes, se glisse sous les draps et ne tarde pas à rejoindre le royaume de Morphée.
La journée du dimanche s’écoule paisiblement entre ménage, rangement et repos la jeune femme en profite aussi pour prendre soin d’elle dans un agréable et relaxant bain aux cristaux de sel, un masque sur le visage et une lime à ongle dans la main.
Elle est cependant un peu surprise, la fin de la journée venue, de n’avoir reçu aucun message de son amoureux. Le beau Lucas lui avait pourtant promis de lui en faire parvenir régulièrement. Jessica pense qu’il est peut-être trop occupé par ses affaires et qu’elle aurat sans doute de ses nouvelles dans la soirée. Au même instant elle réalise qu’elle ne sait même pas où il devait se rendre, ne lui ayant posé aucune question à ce sujet, trop émue de se séparer de lui.
Pour se consoler elle se repasse les photos de vacances enregistrées sur son smartphone. Toutes lui évoquent des souvenirs agréables. Mais ses préférées, ce sont les selfies où ils apparaissent tous deux, rayonnants de bonheur, avec en toile de fond des endroits tous plus magnifiques les uns que les autres.
Après avoir préparé les vêtements pour son retour au bureau du lendemain matin, elle essaye de s’occuper l’esprit devant le traditionnel film du dimanche soir, tout en gardant un œil sur l’écran de son téléphone qui s’obstine à rester muet.
Il est maintenant minuit passé et, après avoir enchainé deux films à la suite, Jessica décide d’éteindre le poste de télévision et de se coucher tout en laissant son smartphone en veille sur la table de chevet.
Elle a eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Cela fait maintenant deux jours que Lucas ne lui a pas donné de nouvelles.
Mais au moment où elle s’apprête à quitter son appartement pour se rendre au cabinet d’avocat où elle travaille, le téléphone se met à vibrer dans son sac annonçant l’arrivée d’un message.
Jessica, soudain revigorée s’empresse aussitôt, un sourire aux lèvres, d’en découvrir le contenu, sans même avoir pris la peine d’en vérifier la provenance.
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« Mademoiselle B. nous vous prions de passer le plus rapidement possible à notre agence. Votre compte présente un solde négatif bien au-delà de l’autorisation de découvert qui vous a été accordée. Sans régularisation rapide de votre part nous serons contraints de refuser toute nouvelle demande de paiement qui se présenterait et nous nous verrons dans l’obligation de vous demander la restitution immédiate de votre chéquier ainsi que de votre carte de crédit.
Dans cette attente, votre conseiller bancaire. »
